Chasse aux dinosaures au Wyoming (3) : Fossil Fever

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Le préparateur Aldo Impens marque les fossiles plâtrés. (Photo : Reinout Verbeke, IRSNB)
22/08/2018
Chasse aux dinosaures au Wyoming (3) : Fossil Fever
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Reinout Verbeke

« Outils au sol ! », plaisante le paléontologue Koen Stein. Il doit m’enlever le mien des mains. J’ai trouvé l’avant-dernier jour des dents de long cou dans une pierre. L’idée que le crâne m’attend sous l’un des prochains blocs de grès me rend fou… J’ai attrapé la « fièvre fossile ».

Aldo Impens, préparateur de fossiles, connaît ce sentiment de frustration. « Chercher est presque plus important que trouver et c’est addictif ». Ici, au Wyoming, le travail est lourd et les résultats relativement lents, mais dans les sols sableux chez nous, à Anvers par exemple, il suffit souvent de fouiller le sol avec la main pour trouver des dents de requin et de dauphin ou des osselets de baleine. « C’est comme une dépendance à l'héroïne ! », s’exclame Aldo lors de notre soirée Budweiser. « Et tout le monde y est sensible. Il y a quelques années, je cherchais des coquillages du Miocène à Heusden-Zolder. Un véhicule de police s'est arrêté. Moins de cinq minutes plus tard, ils avaient trouvé un ciseau fossilisé et en étaient fascinés. »

La Guerre des os

Au camping, un couple de Washington s’est installé à côté de nous avec son mobile-home vintage des années 70. Leur hobby est particulier : la recherche d'or, un vestige de la fameuse ruée vers l'or des 19e et 20e siècles. Mais en 1877, un an avant la découverte de nos Iguanodons de Bernissart, c’était une autre fièvre, la « fièvre fossile », qui s’était répandue dans la région où nous creusons. En mars 1877, un ouvrier du rail, un étudiant et un enseignant avaient trouvé, indépendamment les uns des autres, des fossiles de dinosaures. Cette nouvelle attira des aventuriers désireux de capitaliser sur ces découvertes au Wyoming et au Colorado. Les plus gros acheteurs étaient deux paléontologues : Edward Drinker Cope et Othniel Charles Marsh. Avec leurs équipes de fouilles, ils menèrent une bataille acharnée pour obtenir et décrire la plupart des fossiles. L'ouest des États-Unis et surtout Como Bluff (Wyoming), et ses innombrables squelettes dinosaures, devint leur terrain de chasse habituel pendant dix ans. Chaque camp sabota le campement, vola les fossiles et acheta le personnel de l’autre. La hâte et l'urgence ne furent pas non plus idéales pour l'exactitude : ils décrivirent des mêmes espèces mais en leur donnant, chacun de son côté, un nom différent, ou ils rassemblèrent sous un même nom des fossiles de différentes espèces.

Cette période, connue sous le nom de « Guerre des os », donna un sérieux coup d'accélérateur à la paléontologie : de nombreuses icônes du Jurassique supérieur ont alors été décrites scientifiquement, notamment Allosaurus et Ceratosaurus, deux formidables carnivores, Camptosaurus, un cousin lointain des iguanodons, les gigantesques sauropodes ou longs cous Apatosaurus, Brontosaurus, Barosaurus et Diplodocus, ainsi que Stegosaurus et ses plaques osseuses sur le dos. Como Bluff et la mine de charbon de Bernissart chez nous ont été les premiers sites fouillés systématiquement et ont livré de grands squelettes de dinosaures presque complets et « articulés », les os étant toujours assemblés. Ces découvertes nous en apprennent toujours beaucoup sur les dinosaures qui régnaient alors sur la Terre.

Prometteur

Nos valises sont bouclées, et la grue a enlevé nos « champignons » blancs contenant les plus gros fossiles – côtes géantes, vertèbres et os. Ils ont été envoyés dans un entrepôt, avec plus de 80 blocs enveloppés dans du papier d'aluminium contenant des trouvailles plus petites mais non moins intéressantes. Plus tard, ils feront la traversée jusqu'à l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, où ils seront extraits de leur enveloppe de sédiments avec de petits outils pneumatiques et beaucoup de patience.

Les États-Unis sont l'un des rares pays où il est possible d’extraire des fossiles et de les emporter après accord du propriétaire du terrain. En Mongolie ou en Chine où l’on trouve énormément de fossiles, ceux-ci appartiennent à l'État. Les scientifiques sont autorisés à les étudier à l'étranger, mais doivent ensuite les retourner dans leur pays d'origine.

Les chasseurs de dinos allemands, qui fouillent le site depuis l’été dernier et avec qui nous collaborons, creusent déjà quatre niveaux plus bas et sortent d’énormes os de longs cous. C’est clair, sous nos pieds, se cachent des choses plus qu’intéressantes. Et un autre crâne quelque part... Il faut espérer que nous pourrons continuer à explorer cette veine aurifère paléontologique du Jurassique supérieur dans les années à venir. Et je connais suffisamment de personnes atteintes de la Fossil fever pour y participer !

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