Un port du Moyen Âge sous le Parking 58

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Les poutres du quai du port du XVe siècle sur le site archéologique de l'ancien Parking 58 à Bruxelles (photo : Siska Van Parys, IRSNB)
03/04/2019
Un port du Moyen Âge sous le Parking 58
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Siska Van Parys

Des archéologues de l’IRSNB et Urban.Brussels sont intervenus sur le chantier de l'ancien Parking 58, à Bruxelles, sur les vestiges d'un port du XVe siècle. La découverte la plus remarquable à ce jour est une nasse en bois parfaitement conservée.

Le chantier est situé au cœur de Bruxelles, près de la Place Sainte-Catherine. « Grâce à des textes anciens, nous connaissions l'existence d'un port au centre-ville de Bruxelles au XVe siècle, mais c'est la première fois que nous pouvons vraiment le voir », a déclaré Ann Degraeve, responsable du département Patrimoine Archéologique chez Urban.Brussels. « C'était aussi une surprise pour nous. Nous savions que la Senne coulait ici, mais nous ne pensions pas y découvrir les quais intacts du port. » Les tessons de poterie mis au jour indiquent qu'il s'agit d'un site du XVe siècle. Des recherches ultérieures sur la terre cuite détermineront la datation encore plus précisément, probablement au quart de siècle.

Une découverte exceptionnelle

La découverte la plus importante à ce jour est une nasse en osier presque intacte. Jamais auparavant un piège à poissons aussi remarquablement préservé n’avait été retrouvé en Belgique. « Les matériaux organiques, tels que le bois et le cuir, ne sont que très rarement mis au jour lors de fouilles archéologiques », explique Koen Deforce, archéobotaniste à l'IRSNB. « Ce n'est possible que si l’objet est resté à l’abri de l’air (sinon, quelques années suffisent pour qu’il se désagrège complètement). C'était le cas ici : au fond de la Senne, il gisait dans un environnement à faible teneur en oxygène et a rapidement été recouvert de sédiments. Ces conditions idéales garantissaient une bonne conservation et nous permettent aujourd'hui d’admirer cette nasse à poissons dans toute sa splendeur. »

C’est la société KunstWacht de Delft qui a été chargée d’extraire la nasse du sédiment. Ses experts ont fabriqué une caisse sur mesure qui a été placée autour du piège avec beaucoup de soin. Ensuite, la plaque de fer qui servait de fond à la caisse a été glissée dessous à l’aide d’une énorme excavatrice. Une opération qui s’est déroulée non sans appréhension : un faux mouvement et le bois séculaire se serait brisé en mille morceaux !

Après examen d’une branche de la nasse, Koen Deforce a conclu qu'il s'agissait de saule : « ce n'est pas surprenant, car le saule est l'une des variétés de bois les plus flexibles de notre région et la plupart des objets en osier du Moyen Âge sont en saule. » D’après les anneaux de croissance, il a pu déduire que la branche avait probablement été récoltée au cours de son deuxième hiver.

Avant que la nasse ne puisse être exposée, elle doit subir une série de traitements. « Malgré l’état de conservation exceptionnel de cet artefact, une grande partie de la cellulose, essentielle à la solidité des cellules végétales, a disparu du bois », explique Jef Pinceel, archéologue à Urban.Brussels. « Les cellules du bois ne sont actuellement ouvertes que par la présence d'eau. Par conséquent, la nasse doit être imprégnée d'un produit garantissant que le bois conserve sa forme d'origine autant que possible, même sans eau. Elle sera ensuite lyophilisée pour en éliminer l'eau. » Et tout cela en laissant la partie inférieure de la nasse dans le sédiment qui la protège depuis le XVe siècle : sa stabilité structurelle n’est désormais plus suffisante pour supporter son propre poids !

Le Bruxellois médiéval

Les bonnes conditions de conservation au fond de la Senne ont protégé de nombreux autres artefacts de l’époque. « Le site fourmille de chaussures ! Dans la plupart des cas, il ne reste que la semelle, mais parfois, nous trouvons aussi la partie supérieure intacte », explique l'archéologue Stephan Van Bellingen. De nombreuses graines bien conservées étaient également visibles dans les sédiments. Lien Speleers, archéobotaniste à l'IRSNB, en a prélevé quelques échantillons : « Grâce aux graines et aux fruits qu’ils contiennent, ces échantillons de sol nous permettent notamment de voir ce que les gens mangeaient alors comme céréales, légumineuses, légumes, fruits et herbes. Ils peuvent également fournir des informations sur l'agriculture au XVe siècle et sur l'utilisation de plantes pour d'autres activités économiques telles que la peinture ou la teinture de textiles. » Bea De Cupere, archéozoologue à l'IRSNB, va, quant à elle, étudier les os et les arêtes de poissons du site. Rassemblées, toutes ces informations permettront d’en apprendre davantage sur le régime alimentaire du Bruxellois médiéval.

Reconstituer le paysage

Nous pouvons également en apprendre beaucoup sur le paysage environnant. Les sédiments du site contiennent de nombreux pollens bien préservés provenant d’arbres et d’autres plantes de l’époque, ainsi qu’une épaisse couche de copeaux de bois. Pour Koen Deforce, « ces fragments de bois sont probablement des déchets de la fabrication de constructions en bois. À l’époque, les troncs étaient transportés directement là où le bois était nécessaire et transformés sur place en poutres et en planches. Dans ce cas-ci, lors de la fabrication des quais, des copeaux ont fini au fond de la Senne, ce qui est extrêmement intéressant pour nous, car nous pouvons en déterminer la variété. Nous cherchons également à savoir si, à travers les âges, il y a une transition dans les essences d’arbres utilisées, des plus dures et solides aux moins qualitatives. Une telle transition indiquerait qu'il y avait déjà une surexploitation des ressources arboricoles, comme cela a été démontré, entre autres, par des recherches similaires sur un site d’enfouissement de déchets moyenâgeux à Gand. »

Les archéologues sont ravis de leurs découvertes sur le site du Parking 58. Leurs recherches dans les mois et les années à venir sur les échantillons prélevés nous aideront à avoir une image plus claire du port, du paysage et de la population bruxelloise au Moyen Âge. En attendant, l’opération d’archéologie préventive accompagnant les travaux de construction du nouveau centre administratif Brucity va se poursuivre jusqu’à une profondeur de 15 mètres.

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