Les ours bruns de nos régions ont survécu au pic de froid de la dernière glaciation il y a 22 000 ans. Ce sont leurs descendants qui peuplent aujourd’hui encore les forêts du nord et du sud de l’Europe. C’est ce qui ressort d’une analyse génétique de restes fossiles d’ours notamment conservés dans nos collections
Au cours de la dernière période glaciaire, le nord de l'Europe était recouvert d’inlandsis (calottes glaciaires). Les chercheurs considèrent de telles périodes de froid extrême comme des goulots d'étranglement pour de nombreuses espèces de zones tempérées : soit leurs populations déclinent, soit elles migrent vers des zones plus chaudes. Quand le climat se radoucit, les survivants repeuplent les zones dégelées et peuvent à nouveau prospérer.
Des ancêtres belges
On pensait que c’est ce qui s’était passé pour l’ours brun (Ursus arctos) : la population européenne actuelle descendait de populations qui auraient survécu à la dernière glaciation en se retirant dans les régions plus chaudes de la Méditerranée. Mais l’étude récente de restes d’ours de nos régions remet cette théorie en question. « Nous avons pu obtenir une datation absolue de ces ossements qui prouve qu’il y avait toujours des ours dans les grottes belges et françaises au cours du dernier maximum glaciaire », explique la paléontologue Mietje Germonpré (IRSNB). « En outre, leur ADN mitochondrial correspond à celui des populations ultérieures en Europe du Nord, dans les îles britanniques et en Europe du Sud. Autrement dit, une grande partie de la population européenne actuelle ne descend pas des ours bruns d’Espagne, mais bien des ours de nos régions. »
À partir de l'analyse statistique des données génétiques, les chercheurs ont également déduit les fluctuations de taille des populations au fil du temps. À la fin du Pléistocène, les populations diminuent ; il y a 30 000 ans, elles commencent à augmenter. Elles déclinent à nouveau à partir du pic de froid de la dernière période glaciaire, il y a environ 22 000 ans, jusqu'à il y a environ 15 000 ans. Puis elles reprennent mais vers le milieu de l'Holocène, il y a environ 6 000 ans, elles diminuent fortement, dix fois plus vite qu'auparavant. Ce déclin se poursuit encore aujourd'hui.
Des ours végétariens
L'analyse des isotopes stables de l'azote contenu dans les ossements étudiés confirme que les ours bruns étaient passés à une alimentation plus riche en plantes avant même le pic glaciaire. Ce changement est probablement dû à l'extinction de l'ours des cavernes herbivore, il y a 30 000 à 25 000 ans, libérant une nouvelle niche écologique pour l'ours brun.
L'étude est parue dans la revue professionnelle Ecology and Evolution.