L'Homme de Néandertal a hérité le chromosome Y de l'Homme moderne

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Des fossiles humains trouvés à la grotte de Spy (Belgique) en 1886. (Copyright : P. Semal, IRSNB)
08/10/2020
L'Homme de Néandertal a hérité le chromosome Y de l'Homme moderne
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Siska Van Parys

Une équipe internationale de chercheurs a découvert que des échanges génétiques s'étaient déjà produits entre les premiers hommes modernes et les Néandertaliens il y a plus de 100 000 ans. Le croisement de ces deux « espèces » a conduit au remplacement complet du chromosome Y néandertalien par celui des premiers hommes modernes. Le chromosome Y sapiens présentait probablement un avantage sélectif et, au fil du temps, il a remplacé tous les chromosomes Y néandertaliens. Pour cette étude publiée dans la revue Science, l’ADN d’un fossile néandertalien de Spy a été analysé.

Les Néandertaliens et les Hommes anatomiquement modernes ont coexisté pendant plusieurs milliers d’années en Europe et en Asie centrale, et ce, jusqu’il y a environ 40 000 ans. Ils se disputaient certes la même nourriture et le même territoire, mais cela ne les a pas empêchés de se mélanger. Nous avons donc tous hérité d’une partie de l’ADN de notre robuste cousin, l’Homme de Néandertal, que l’on soit d’origine asiatique, européenne ou même africaine (comme l'a montré une étude récente).

De (nouvelles) preuves montrent aujourd’hui que le scénario inverse s’est également produit : Homo sapiens a laissé son empreinte dans l'ADN des Néandertaliens, en particulier dans leur chromosome Y (le chromosome sexuel qui se transmet exclusivement de père en fils). C'est ce que révèle une nouvelle étude menée par l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutionniste de Leipzig (Allemagne), à laquelle l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique a également participé. Le chromosome Y de l’Homme anatomiquement moderne a même fini par faire complètement disparaître celui de son cousin, l’Homme de Néandertal !

Prélèvement d’ADN

Avant de procéder à l’analyse ADN, les chercheurs ont d’abord dû se mettre à la recherche de restes de Néandertaliens en assez bon état pour être étudiés. Ils sont parvenus à en identifier cinq : trois hommes de Néandertal – dont un provenant de Belgique – et deux hommes de Denisova, proches parents des Néandertaliens qui vivaient dans la grotte de Denisova en Sibérie.

L’échantillon « belge » provient d’une dent appartenant à un des Néandertaliens de Spy. En 1886, des squelettes partiels - de deux adultes et d'un enfant - ont été mis au jour dans la grotte de Spy près de Namur. Ils sont conservés aujourd’hui à l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. Ce sont les plus récents néandertaliens datés à ce jour, âgés de 40 000 ans environ.

Les scientifiques ont mis au point des sondes, des petits fragments d’ADN simple brin qui permettent de reconnaître un fragment d’ADN spécifique par hybridation. Ils ont utilisé des fragments d'ADN provenant de chromosomes Y d’hommes modernes pour retrouver dans les restes des chromosomes Y néandertaliens et Dénisoviens des fragments complémentaires sur lesquels les sondes se fixent. Cette technique de pointe peut fonctionner, car les chromosomes de Néandertal et des Dénisoviens sont assez proches de ceux de l'Homme moderne.

Un remplacement complet

Les scientifiques ont découvert que les chromosomes Y néandertaliens étaient bien plus similaires à ceux de l’Homme moderne qu’à ceux de l’Homme de Denisova. « Nous avons été surpris par cette découverte. Des études sur l'ADN autosomal nous avaient déjà révélé que les Néandertaliens et les Dénisoviens étaient étroitement liés, et que du point de vue de l’évolution, les hommes actuels n’étaient que des cousins éloignés. C’est pourquoi nous nous attendions à ce que leurs chromosomes Y reflètent cette configuration », explique Martin Petr, principal auteur de l’étude.

Leur ressemblance à ce point frappante a permis aux scientifiques de conclure que le chromosome Y des Néandertaliens a été complètement remplacé par celui de l’Homme moderne. Cependant, il y a très peu de chances que le remplacement total d’un chromosome soit le fruit du hasard. Les scientifiques pensent que la sélection naturelle a dû jouer un rôle déterminant dans ce processus de remplacement. Ils se sont appuyés sur des simulations informatiques pour démontrer que les populations de Néandertaliens étaient trop peu nombreuses pour survivre. Il arrive souvent que, à cause de la consanguinité, de petites populations accumulent des mutations dangereuses dans leur génome, en particulier sur les chromosomes sexuels, qui jouent un rôle important dans la reproduction et la fertilité.

Les premiers hommes modernes étaient plus nombreux et avaient donc une plus grande diversité génétique. Selon l’« hypothèse de remplacement » de cette étude, les enfants nés de pères sapiens et de mères néandertaliennes qui héritaient du chromosome Y de leur père, avaient un avantage sélectif par rapport à leurs cousins 100 % néandertaliens. De génération en génération, de plus en plus d'hommes néandertaliens ont été porteurs du chromosome Y sapiens, et au fil du temps, tous les chromosomes Y néandertaliens ont été remplacés par celui de l'Homme moderne. Les résultats d'une étude antérieure ont révélé un schéma similaire pour l'ADN mitochondrial des Néandertaliens (ADN transmis aux enfants des deux sexes par la mère exclusivement).

Pas nos ancêtres

Les chercheurs ont estimé que le dernier ancêtre commun du chromosome Y de Néandertal et de l’Homme moderne a vécu il y a environ 370 000 ans. Les rencontres entre les ancêtres des Néandertaliens et ceux des premiers Hommes modernes avaient donc déjà conduit à des échanges de gènes bien avant la sortie d’Afrique de lignée de l’Homme anatomiquement moderne. Par conséquent, un groupe humain, étroitement lié aux premiers hommes modernes, devait déjà être présent en Eurasie à cette époque.

Ce qui est surprenant, c’est que ces premiers hommes modernes ne sont pas nos ancêtres. Les traces d’ADN de Néandertaliens présentes dans nos gènes indiquent que nous avons hérité d’une fraction de l’ADN néandertalien il y a de cela 50 000 à 70 000 ans. Les premiers hommes modernes qui ont transmis leur chromosome Y aux Néandertaliens faisaient probablement partie d’une population qui avait déjà migré hors d’Afrique il y a 100 000 à 370 000 ans et qui s’est par la suite éteinte.

 

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