Une équipe de chercheurs belgo-congolaise a découvert et documenté une communauté de chimpanzés de l’Est dans trois petites forêts de montagnes à l’Est du Congo, près du Lac Albert. Ils ont compté 283 nids de chimpanzés dans 18 km2 de forêt et ils estiment jusqu’à 4,6 chimpanzés par km2. Le chimpanzé de l’Est est une espèce menacée. De plus en plus de forêts sont transformées en terre agricole. Les chercheurs proposent aux autorités de protéger ces forêts de montagnes reculées dans le Rift Albertin et d’impliquer les communautés locales à la source.
Dans l’est du Congo, dans la province d’Ituri, près du Lac Albert, on trouve une mosaïque de 20 petits fragments de forêts de montagnes, couvrant au total une surface de 70 km2. Ce patchwork de forêts est appelé le paysage de RAFALE (Relict Altitude Forests Fragments of the Albert Lake Escarpment). Dans trois de ces fragments forestiers, sur 18 km2 au total, une équipe de recherche belgo-congolaise a découvert et documenté une communauté de chimpanzés de l’Est. Le chimpanzé de l’Est (Pan Troglodytes schweinfurthii) est une sous-espèce menacée.
Une découverte émouvante
En 2015, la biologiste Anne Laudisoit (Université d’Anvers et actuellement EcoHealth Alliance) réalisait ses recherches sur les maladies infectieuses dans la région, lorsqu’elle et son guide local Otis Kpanyogo entendirent des cris de chimpanzés dans une très petite parcelle de forêt.
Durant les deux années qui suivirent, elle mena plusieurs expéditions en équipe internationale pour observer la population de chimpanzés. Avec des pièges photos, les chercheurs ont documenté 42 chimpanzés adultes et 10 bébés. Ils ont parcouru des « transects ou layons » – des chemins le long desquels des observations sont faites – et comptèrent les nids de chimpanzés : 283 nids sur 18 km2. C’est de cette manière qu’ils purent estimer la densité de population des chimpanzés dans ces forêts isolées : 4,6 chimpanzés au km2. C’est plus que dans d’autres forêts de la région.
« Être face-à-face avec ces chimpanzés encore inconnus et non encore documentés, et de les voir sur caméra, c’était une découverte incroyable qui a touché chaque membre de l’équipe » dit Anne Laudisoit qui, avec la journaliste photo Caroline Thirion, a produit un documentaire au sujet de cette communauté de chimpanzés appelé « Mbudha, la source des chimpanzés »
Protéger les chimpanzés
Cette population de chimpanzés de RAFALE, incluant la communauté de Mbudha dans les trois forêts étudiées, est menacée, car de plus en plus de forêts sont transformées en terres agricoles avec la méthode « slash and burn » ou agriculture sur brulis pour cultiver du manioc, des arachides, des haricots, du maïs et du sorgho afin de nourrir les communautés densément peuplées de la région.
Les auteurs de cette étude espèrent que les autorités reconnaitront le paysage RAFALE comme une nouvelle Unité de Conservation des Chimpanzés. Ils souhaitent que les communautés locales soient aidées dans un plan de conservation durable qui soit bénéfique tant pour les humains et pour la nature et la faune sauvage. « Ces petites forêts sont bourrées de vie » explique le biologiste Erik Verheyen de l’Université d’Anvers et de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. « La protection de cette région aiderait également à conserver un autre singe vulnérable, le Colobe rouge d’Oustalet, les pangolins en voie de disparition, et les 26 autres espèces de mammifères recensés dans cette région. »
L’étude sur les chimpanzés de Mbudha et leur habitat ne fait que commencer. Ce printemps 2021, Laudisoit (financée par une bourse de National Geographic afin de poursuivre ses explorations) et une équipe de biologistes entreprennent une nouvelle expédition dans la région et ont déjà observé 15 autres chimpanzés. Un de leurs objectifs est de comprendre comment la population de Mbudha est génétiquement liée ou isolée d’autres communautés de la région.
Les chercheurs congolais et belges impliqués dans cette étude ont publié leurs résultats dans Conservation Science and Practice. L’équipe est constituée de biologistes de l’Université de Kisangani (UNIKIS), du Centre de Surveillance de la Biodiversité (CBS), du Centre for International Forestry Research (CIFOR), de l’Université d’Anvers (UAntwerp), du Centre de recherche et de conservation du zoo d'Anvers (CRC), l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) et EcoHealth Alliance.