Faisant suite au rapport d'évaluation sur l'utilisation durable des espèces sauvages sorti le 8 juillet 2022, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a publié le 11 juillet un second rapport scientifique majeur, le Rapport d’Evaluation sur l’estimation des différentes Valeurs de la Nature, ou « l'Évaluation des Valeurs ». Le rapport a été approuvé samedi 9 juillet par les représentatifs des 139 Etats-Membres, à la fin d’une semaine de réunions de la 9e Plénière se déroulant à Bonn en Allemagne (#IPBES9). L ’évaluation de l’IPBES répond à la nécessité d’aider les décideurs dans la compréhension et la prise en compte du large éventail des valeurs de la nature dans les décisions politiques afin de faire face à la crise actuelle de la biodiversité et d’atteindre les objectifs de développement durable.
La nouvelle évaluation est de nature très interdisciplinaire et repose principalement sur les sciences sociales et humaines, et l’économie. Elle a été élaborée pendant une durée de quatre ans, par 82 experts internationaux reconnus venus de 47 pays du monde entier et s’appuyant sur plus de 13000 références, dont des publications scientifiques et des sources d’information issues des savoirs autochtones et locaux, ainsi que sur l'Évaluation Globale de 2019. Grâce à un contrôle rigoureux effectué de la part de scientifiques et de décideurs (y compris des gouvernements), de praticiens et de détenteurs de savoirs autochtones et locaux, le rapport garantit les plus hauts niveaux possibles d’exactitude, de crédibilité et de pertinence politique.
Le rapport propose une typologie nouvelle et complète des valeurs de la nature, ainsi que des conseils pour combiner et intégrer ces valeurs très diverses dans la prise de décision concernant la nature et les personnes, au-delà des bénéfices économiques à court terme. Il souligne l'importance d'une approche d'évaluation pluraliste, jusqu'ici négligée dans les décisions politiques, et présente plus de 50 méthodes pour rendre la diversité des valeurs de la Nature plus visible et intégrée dans les décisions. Il soutient l'idée d'une transformation globale de la société qui est nécessaire pour faire face à la crise de la biodiversité.
Dans l'ensemble, le rapport vise à contribuer aux travaux de la Convention sur la diversité biologique (CDB) et à soutenir la mise en œuvre du cadre mondial de la biodiversité pour l'après-2020 (qui devrait être convenu cette année), ainsi qu’à guider à travers les différentes voies pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.
L'IPBES et l'interprétation belge
IPBES est souvent décrit comme "GIEC de la biodiversité". En effet, il est l'organe scientifique et politique mondial chargé de renforcer l’interface science-politique pour la biodiversité et, par conséquent, d’assister les gouvernements dans leurs prises de décision, en leur soumettant les meilleures preuves disponibles, pour les êtres humains et la nature. En Belgique, le point focal national de l'IPBES est assuré par la Plate-forme belge pour la biodiversité, l’interface science-politique nationale belge, soutenue par BelSPO, et hébergée par BelSPO, l’IRSNB, INBO, et le DEMNA (SPW). Les activités du point focal consistent, entre autres, à faire participer les experts et les parties prenantes belges au programme de travail et aux activités de l'IPBES, et à présider la délégation belge lors des sessions plénières.
Témoignages
Sander Jacobs (INBO) : « Les évaluations mondiales et régionales de l'IPBES ont mis en évidence la destruction mondiale, rapide et anthropique de la biodiversité, l'érosion des services écosystémiques et la diminution de la qualité de vie. L'une des causes profondes de cette crise est la manière dont certaines valeurs de la nature ont influencé les décisions. L'« évaluation des valeurs » synthétise les connaissances clés issues du monde universitaire et des savoirs locaux sur la manière dont les humains évaluent la nature et sur la façon dont cela a conduit - ou induit en erreur - notre relation avec «notre mère la terre ». L'évaluation indique également comment une pratique d'évaluation plus plurielle pourrait contribuer à une transformation de cette relation et à la résolution de la crise. »
Inge Liekens (VITO) : « En tant qu'économiste de l'environnement, j'ai réalisé un certain nombre d'études d'évaluation sur les services écosystémiques. Bien que l'évaluation économique (et plus rigoureusement monétaire) ait ses mérites, j'ai toujours fait campagne pour élargir le champ d'application et prendre en compte les valeurs multiples. J'espère sincèrement que les idées clés de l'évaluation des valeurs de l'IPBES renforceront la pratique d'une évaluation plus plurielle et transformeront notre façon de vivre avec la nature afin de pouvoir s'attaquer à la crise de la biodiversité. »
Nicolas Dendoncker (UNamur) : « Le rapport de l'IPBES sur les valeurs de la Nature a été co-écrit par une équipe de 82 auteurs très interdisciplinaire (de l'anthropologie à l'écologie) ce qui lui confère une grande richesse épistémique, essentielle compte tenu du sujet traité. Il insiste entre autres sur la nécessité d'adopter des méthodes variées pour l'évaluation, afin de rendre compte de la pluralité de valeurs existantes. Ceci peut donner lieu à plus de justice écologique. »