Une équipe de notre Institut a mis au point un système abordable pour digitaliser de petits spécimens en très haute résolution. L’installation livre des images plus nettes que les appareils du commerce et est jusqu’à dix fois moins chère. « Les musées d’histoire naturelle de la planète sont en train de digitaliser leurs collections. Souvent, c’est un travail de longue haleine. Il est donc intéressant de choisir directement la méthode la plus qualitative », nous dit le biologiste Jonathan Brecko.
Brecko se tient à côté d’une armoire de cuisine bon marché, dont il a aménagé le haut pour recevoir un appareil photo numérique. Il a équipé l’intérieur d’une plaque de plexiglas (sur laquelle sont posés les spécimens à photographier) et de deux flashs. Le tout forme un système de « focus stacking » très performant et parfaitement adapté à des spécimens allant de quelques millimètres à quelques centimètres, comme les insectes. Il permet de prendre une série de photos avec différentes mises au point (sur la tête, puis le corps, les pattes…). Ces photos sont ensuite combinées par ordinateur pour former une image beaucoup plus nette et détaillée. Jugez-en par vous-même en cliquant sur la photo ci-dessus (vous accèderez alors à une série de photos-tests réalisées avec des spécimens trouvés çà et là chez Brecko).
Cette installation maison a produit, selon un large test comparatif, un résultat aussi bon, voire meilleur, que les systèmes de focus stacking du commerce. Et elle coûte 8 à 10 fois moins (soit environ 3000 €) ! « Pour le prix d’une installation du commerce, vous pouvez vous équiper de 10 de nos installations et ainsi, digitaliser vos collections bien plus vite », dit Brecko. « Et s’il faut changer une lentille cassée ou un appareil photo dépassé, ça coûte aussi moins cher. » L’installation convient également pour photographier des spécimens en alcool ou sur des lames de verre.
Encore 199 700 spécimens à digitaliser
Brecko travaille à la fois pour notre Institut – dans le Service Scientifique Patrimoine – et le Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren, deux institutions scientifiques qui ont d’énormes collections à digitaliser. « À l’IRSNB, nous avons voulu commencer la digitalisation en super haute résolution avec nos 200 000 spécimens types », ajoute Brecko. Du point de vue scientifique, ce sont les plus importants puisqu’un spécimen type est le spécimen à partir duquel est décrit une nouvelle espèce pour la première fois. « Les avoir au format numérique permet de ne plus envoyer des spécimens souvent très fragiles dans d’autres institutions. Cela évite aussi à des scientifiques de parcourir la moitié du globe pour venir les étudier chez nous. Et plus il y aura de spécimens en haute résolution en ligne, plus la recherche taxonomique avancera. Je m’attends d’ailleurs à beaucoup de répercussions dans ce domaine, entre les espèces dont on ne savait pas qu’elle étaient dans les collections, celles qui étaient mal classées, les nouvelles découvertes qui n’en sont finalement pas… »
Les collaborateurs viennent de commencer la digitalisation des insectes et ont déjà mis en ligne 190 spécimens types de la collection de fourmis et 45 de celle des papillons. « Selon le nombre de vues nécessaires pour chacun, nous pouvons faire entre 15 et 60 spécimens par jour », précise Brecko. « Nous aurons donc besoin de main d’œuvre pour terminer les 200 000 spécimens types. » Et ce n’est qu’une fraction de nos collections qui comptent près de 37 millions de spécimens ! Après les insectes, ils passeront aux petits mammifères du Tertiaire, aux invertébrés récents de l’Antarctique et aux artefacts préhistoriques. Vous pourrez admirer ces derniers dans notre Galerie de l’Homme, qui ouvrira le 7 mai, et dans un musée virtuel en préparation sur l’art préhistorique en Belgique.
La qualité avant la quantité
Cette méthode de digitalisation plus abordable a été décrite dans la revue en libre accès ZooKeys. « Quelques musées et universités ont déjà montré leur intérêt et, après une visite chez nous, le Museum für Naturkunde de Berlin teste un modèle similaire. De nombreux instituts de sciences naturelles sont déjà bien avancés dans la digitalisation de leurs collections mais la résolution des photos n’est souvent pas suffisante pour une étude taxonomique. Nous avons pris plus de temps pour choisir la méthode mais, dès le départ, nous voulions des photos de très haute qualité. »
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L’étude comparative de différentes méthodes de digitalisation menée par Jonathan Brecko dans le cadre de Agora 3D Project en DIGIT03 a été financée par la Politique Scientifique Fédérale (BELSPO) et le programme européen FP7 SYNTHESYS 3.