Notre collègue, le paléontologue Olivier Lambert, a mis au jour au Pérou les fossiles vieux de neuf millions d'années d'une baleine à bec et de son dernier repas. Cette découverte extrêmement rare suggère que certaines espèces fossiles de cette famille vivaient en eaux peu profondes, contrairement aux espèces modernes.
Les baleines à bec actuelles – des odontocètes – se nourrissent de calmars et poissons qu’elles détectent avec leur sonar à des profondeurs pouvant atteindre 3000 mètres! Ayant peu de dents, elles capturent leurs proies en les aspirant.
Par contre, la dentition de certaines espèces fossiles, plus développée, suggère que celles-ci capturaient leurs proies à l'aide de leurs mâchoires. Mais de quelles proies s'agissait-il ? Jusqu’à présent, on ne pouvait que faire des suppositions concernant leur régime alimentaire. Une équipe internationale incluant le paléontologue Olivier Lambert, de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, a exhumé en 2014, lors de fouilles menées dans le désert de Pisco-Ica, au Sud du Pérou, le squelette d’une baleine à bec éteinte (Messapicetus gregarius) entouré de dizaines de poissons fossilisés, ce qui est extrêmement rare (il s’agirait même du premier contenu stomacal connu pour un odontocète !).
Des sardines fossiles
Ces poissons, retrouvés au niveau de la gueule et du ventre de la baleine à bec, sont de proches parents de la sardine actuelle Sardinops sagax, qui vit le long de la côte pacifique de l’Amérique du Sud. « Les sardines étant des poissons épipélagiques (vivant en grands bancs, à proximité de la surface), cette découverte suggère que certaines baleines à bec du Miocène supérieur, il y a 9 millions d’années, ne se nourrissaient pas à grandes profondeurs, mais occupaient une niche écologique proche de celle de certains dauphins océaniques actuels », précise Olivier Lambert.
« D'autres baleines à bec sont descendues de plus en plus profondément à la recherche de nourriture et se sont spécialisées dans la technique d’aspiration. L’extinction des baleines à bec évoluant en eaux peu profondes, comme Messapicetus gregarius, pourrait être liée à l'apparition et à la diversification remarquable des vrais dauphins. Certains de ceux-ci vivent d'ailleurs de nos jours le long de la côte péruvienne et s'y nourrissent également de sardines.
L’étude, réalisée en collaboration avec des scientifiques italiens, néerlandais, français et péruviens, est publiée dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society B.
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