L'ADN ancien révèle de plus en plus ses secrets

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Reserche ADN sur le crâne de chien de Goyet. (photo: Reinout Verbeke - RBINS)
14/10/2016
L'ADN ancien révèle de plus en plus ses secrets
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Jonas Van Boxel

Que ce soit un os néandertalien, un chat égyptien momifié, un chien maintenu dans le (permafrost) sibérien, un esturgeon de l'époque romaine ou des résidus végétaux du Moyen âge, tous ont un ADN qui recèle un trésor d'informations. Grâce à des méthodes innovantes regroupées sous la dénomination commune séquençage de nouvelle génération (SNG), nous réussissons toujours mieux à obtenir et à déchiffrer le code génétique de ce type d'organismes anciens. Des collections d'histoire naturelle comme celles de notre Institut deviennent ainsi de plus en plus intéressantes.

Le chercheur Gontran Sonet nous reçoit dans l'un des trois laboratoires de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) dédiés à la recherche portant sur l'ADN. Notre collègue teste de nouvelles manières d'extraire l'ADN d'ossements de chien. Il souhaite maîtriser les nouvelles méthodes d'analyse de l'ADN.

Ceci est le domaine du séquençage de l'ADN. Brièvement expliqué, il s'agit de la reconstitution de la succession des éléments constitutifs de l'ADN, les nucléotides, qui sont composés des bases A (adénine), C (cytosine), G (guanine) et T (thymine). C'est ainsi que l'on peut identifier le code génétique d'un animal ou d'un végétal. La méthode de séquençage la plus courante a été mise au point par Frederick Sanger à la fin des années 1970. Sanger a développé une suite de réactions biochimiques permettant de déterminer l'ordre d'enchaînement des nucléotides pour un fragment d'ADN donné, à l'aide d'enzymes et de molécules fluorescentes. Ce processus réactionnel, au cours duquel un fragment d'ADN est copié de nombreuses fois, a été pendant des décennies la méthode standard pour le séquençage de l'ADN.

Les gènes sont une mine d'informations. Des spécimens conservés depuis de nombreuses décennies dans des collections muséales ou récemment découverts sur des sites archéologiques peuvent ainsi donner des indications sur le régime alimentaire de peuplades disparues, les routes migratoires des premiers Européens, où et comment le chien ou le dromadaire ont été domestiqué, comment une maladie s'est propagée ou la raison pour laquelle une espèce s'est éteinte et une autre a survécu.

Un grand filet

Le problème dans la recherche portant sur l'ADN ancien (ou l'ADNa) est qu'il est terriblement difficile d'obtenir des informations génétiques à partir de ces restes anciens. Leur quantité et leur qualité se sont fortement détériorées au fil des ans et ont été contaminées par des parasites ou simplement par l'environnement. À titre de comparaison : dans 1 gramme de tissu organique frais, on peut extraire environ 1 microgramme d'ADN ; dans 1 gramme de spécimen ancien, seulement entre 0,0001 et 0,0000001 microgramme.

Le séquençage de l'ADNa selon la méthode de Sanger fournit des résultats à peine utilisables. C'est là que le séquençage de nouvelle génération (SNG) fait son apparition : grâce à de nouvelles méthodes plus avancées, il est devenu possible de séquencer simultanément d'énormes quantités de brins d'ADN. Et ceci est même possible pour de petits brins d'ADN : dès que l'on trouve des séquences de plus de trente paires de nucléotides se chevauchant, on peut analyser et reconstituer des parties du génome. Gontran compare ces nouvelles méthodes à un grand filet : elles coûtent cher, mais elles permettent "d'attraper" énormément d'informations.

Le chercheur nous emmène au sommet de l'Institut, là où l'ADN est préparé en vue de ce "grand filet". Contrairement aux deux autres laboratoires, qui sont spacieux et où de grandes fenêtres laissent abondamment entrer la lumière du jour, celui-ci est un espace clos assez réduit où deux personnes seulement peuvent se tenir. De nombreuses mesures de précaution sont prises pour protéger les précieux échantillons d'ADN contre toute contamination et la porte est verrouillée par un mot de passe. À l'intérieur, se trouve encore un espace séparé où les chercheurs peuvent enfiler leur blouse de laboratoire et mettre un masque de protection. Le laboratoire à proprement parler est équipé d'un système spécial de ventilation et de lampes UV spéciales qui éliminent tout ADN parasite.

Momies de chats

Pour les scientifiques, le séquençage de nouvelle génération a ouvert les portes d'un univers jusqu'alors inconnu : les ossements et restes fossiles qui présentaient jusqu'alors peu d'intérêt offrent à présent un véritable trésor d'informations. Claudio Ottoni de la KU Leuven a ainsi pu étudier des momies de chats pour chercher où et quand les chats ont été domestiqués par les humains. Ottoni est l'un des scientifiques à la recherche des meilleures méthodes pour identifier l'ADNa et l'un des six experts qui ont exposé leurs points de vue lors d'un atelier de travail organisé au mois de juin. Des membres du Belgian Network for DNA Barcoding (BeBol) ont partagé avec des experts européens leurs expériences dans le domaine de la recherche portant sur l'ADN dans de vieux ossements, des animaux naturalisés, des végétaux et insectes séchés.

"Nous devons suivre un protocole très strict. Dans certains cas, seul 0,1 pour cent de l'ADN d'une dent appartient effectivement à l'animal sur lequel est alors axée notre recherche", explique Katerina Guschanski. La chercheuse de l'Université d'Uppsala en Suède a étudié la diversification de différentes espèces de singes cercopithèques. Comme ces petits singes sont difficiles à trouver, et qu'un tiers des espèces est en plus protégé, elle a dû se mettre au travail avec des exemplaires naturalisés provenant de collections muséales du monde entier, entre autres, de nos salles de conservation et du Musée royal de l'Afrique centrale. "Dans le cadre de ce type de recherche, les collections de sciences naturelles sont d'une valeur inestimable", ajoute-t-elle.

L'avenir de l'ADN ancien

Gontran s'attend également à ce que le séquençage de nouvelle génération se heurte à des limites. "On voit actuellement de très nombreuses publications d'études basées sur le SNG, et ce, dans les domaines de recherche les plus variés. Cela fournit une avalanche de données. Mais pour être certain de la fiabilité des nouveaux résultats, il nous faut encore normaliser  nos procédures et recouper les résultats. Ce n'est qu'alors que nous pourrons nous faire une idée de ce qui est réellement possible et des progrès que ces technologies peuvent encore nous faire réaliser dans le futur." 

Aussi réprime-t-il provisoirement quelques idées passionnantes : non, l'identification de l'ADN des dinosaures n'est pas encore à l'ordre du jour. "L'ADN n'est pas éternel : dans les restes de dinosaures datant d'au moins 65 millions d'années, l'ADN présent est si fragmenté qu'il est impossible de reconstituer le génome." Le retour d'espèces éteintes, comme le mammouth ou le dodo n'est pas non plus d'actualité. "L'ADN n'est pas tout : l'animal né d'un éléphant avec l'ADN reconstitué d'un mammouth est un organisme génétiquement modifié auquel bien des caractéristiques du mammouth font défaut."

Lorsque nous regardons toutefois ce qui est bien possible aujourd'hui, il est clair que notre institut a un rôle important à jouer dans la recherche moderne portant sur l'ADN. Une collection de 37 millions de spécimens offre d'innombrables possibilités d'études relatives à l'ADN. Gontran : "Dans l'unité de recherche JEMU - qui fait aussi bien partie de notre Institut que du Musée royal de l'Afrique centrale - nous voulons élargir notre expertise dans ce domaine, afin de pouvoir travailler directement avec notre collection muséale."

 

Le projet de recherche Joint Experimental Molecular Unit (JEMU) est financé par BELSPO et soutenu par l'IRSNB et le MRAC. JEMU vise à soutenir la recherche scientifique sur les collections d'histoire naturelle dans le domaine du codage à barre de l'ADN, sur la recherche phylogénétique et l'archivage des espèces biologiques. L'équipe JEMU est composée de Massimiliano Virgilio, Carl Vangestel, Nathalie Smitz, et Gontran Sonet et est dirigée par Thierry Backeljau et Marc De Meyer.

 

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