L’ère des dinosaures a pris fin au printemps

23/02/2022

Une équipe de chercheurs internationale a découvert que le météore qui est responsable de l’extinction des dinosaures s’est écrasé sur la Terre au printemps. C’est ce qu’ils ont déduit des tendances de croissance et de nutrition des poissons qui sont morts juste après l’impact.

 

Les paléontologues s’accordent à dire que l’impact d’un météore géant qui a percuté la Terre il y a environ 66 millions d’années a provoqué l’extinction des dinosaures terrestres (qui ne volaient pas) et des trois quarts de toute la faune de l’époque, entrainant ainsi la 5ème extinction de masse. Le site de fouille de Tanis, dans le Dakota du Nord (USA) est, depuis qu'il a été annoncé en 2019, un des sites les plus prometteurs pour dévoiler des informations au sujet de ce moment-clé de l’histoire. Il regorge de faune et de flore fossilisée : des restes de dinosaures, de ptérosaures, un mosasaure, des mammifères, des poissons, une fourmilière, des plantes, … Tous ces spécimens furent ensevelis sous les sédiments à peine une heure après l’impact météorite de Chicxulub, et sont par conséquent particulièrement bien fossilisés.

 

« L’impact a fait trembler la plaque continentale et a provoqué de grandes marées dans les rivières et autres plans d’eau. Cela a détaché une grande quantité de sédiment qui a enseveli les poissons encore vivants », explique Melanie During de la VU Amsterdam et Uppsala University, le premier auteur de l’étude parue dans Nature. « Au même moment, une pluie de petites boules semblables à du verre s’abattait sur la Terre : il s’agissait de petites pierres fondues propulsées hors du cratère d’impact, qui se sont vitrifiées dans l’air pour atterrir même quelques milliers de kilomètres plus loin.

Trois preuves du printemps

Ces petites boules ont été retrouvées par les scientifiques dans des branchies d’esturgeons fossilisées du site de Tanis, preuve que leur mort s’est produite peu après l’impact météorite. « Sur les scans aux rayons X du Synchrotron à Grenoble, ils étaient clairement visibles » dit Koen Stein, lié au Vrije Universiteit Brussel et à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. « Nous avons aussi étudié la structure osseuse interne de six esturgeons fossilisés. Là, on peut constater les traces de leur croissance saisonnière, comme chez les arbres. Les anneaux ne nous disent pas seulement quel âge ils avaient, mais également à quelle saison ils sont morts : c’était au moment du printemps dans l’hémisphère Nord. »

 

Une deuxième preuve : les cellules osseuses des poissons. Leur taille et la distance entre elles changeait en fonction des saisons. « Dans tous les fossiles de poissons, nous avons pu analyser la distance inter-cellulaire et la taille des cellules. Durant l’année de l’impact météorite, leurs cellules étaient en pleine croissance, mais elles n’avaient pas encore atteint leur taille maximale », dit Dennis Voeten de Uppsala University.

 

Une autre preuve vient du fossile d’un esturgeon. Un isotope de carbone stable a été analysé sur cet exemplaire, pour reconstituer les habitudes alimentaires de l’animal. La disponibilité du zooplancton, son repas préféré, fluctuait en fonction des saisons et était à son maximum entre le printemps et l’été. « Quand l’esturgeon mangeait plus de zooplancton, cela laissait des traces dans son squelette : on y trouve alors une plus grande concentration de l’isotope carbone 13, lourd, par rapport à la concentration de l’isotope carbone 12, plus léger », explique Melanie During. « Nous avons vu que cet esturgeon n’avait pas encore atteint son pic nutritif de l’année. On peut en conclure que sa mort est arrivée au printemps. »

Un poisson spatule du site de Tanis, avant son balayage à l'Installation européenne de rayonnement synchrotron. A droite, il manque la tribune (pagaie) et à gauche, tout ce qui se trouve derrière la nageoire d'épaule est manquant.
Un poisson spatule du site de Tanis, avant son balayage à l'Installation européenne de rayonnement synchrotron. A droite, il manque la tribune (pagaie) et à gauche, tout ce qui se trouve derrière la nageoire d'épaule est manquant.
La paléontologue Mélanie Durant montre une section d'une dentition de poisson spatule présentant une densité cellulaire osseuse élevée (c'est-à-dire en été).
La paléontologue Mélanie Durant montre une section d'une dentition de poisson spatule présentant une densité cellulaire osseuse élevée (c'est-à-dire en été).

Un moment sensible

L’extinction de masse qui a suivi l’impact du météore représente une des grandes césures dans l’histoire de la vie sur Terre : la disparition de tous les dinosaures terrestres, des ptérosaures, de la majorité des reptiles marins, des ammonites, … alors même que des mammifères, oiseaux, crocodiles et tortues ont survécu.

 

Mélanie During précise : « Nous savons à présent que le météore a percuté la Terre juste à un moment sensible, lorsque le printemps battait son plein dans l’hémisphère Nord, saison durant laquelle de nombreux animaux démarrent leur cycle de reproduction. La période d’incubation des reptiles, comme les dinosaures et les ptérosaures, est plus longue que chez d’autres groupes d’animaux, comme les oiseaux. Ils étaient par conséquent plus sensibles à cette perturbation soudaine de leur environnement. »

Dans l’hémisphère Sud, c’était l’automne. « Les animaux qui vivaient alors déjà sous terre et avaient commencé leur hibernation, notamment certains mammifères primitifs, ont pu survivre les premiers mois qui ont suivi l’impact météorite, ponctués de feux de forêt à grande échelle. »

Des études comme celle-ci nous permettent de mieux comprendre pourquoi certains groupes d’animaux ont survécu à cette vague d’extinction alors que d’autres n’ont pas eu cette chance.

An impact spherule from the Tanis event deposit.
An impact spherule from the Tanis event deposit.

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