L’origine des chevaux domestiques enfin établie

20/10/2021
Troupeau de chevaux dans les steppes de Mongolie intérieure, Chine, juillet 2019. (Photo : Ludovic Orlando)
Troupeau de chevaux dans les steppes de Mongolie intérieure, Chine, juillet 2019. (Photo : Ludovic Orlando)

Le cheval domestique moderne est originaire des steppes pontiques, dans le nord du Caucase, où il a été domestiqué pour la première fois avant de conquérir le reste de l’Eurasie en quelques siècles à peine. Cette réponse à une énigme vieille de plusieurs décennies est publiée dans Nature.

 

Par qui et où le cheval moderne a-t-il été domestiqué ? Et quand a-t-il conquis le reste du monde, supplantant la myriade d’autres types de chevaux qui existaient alors ? Cette énigme vient enfin d’être résolue grâce à une équipe de 162 scientifiques, spécialisés en archéologie, paléogénétique et linguistique.

 

Ginnerup archaeological site, Denmark, June 2021. (This site was included in the study.) (Picture: Rune Iversen, University of Copenhagen)
Ginnerup archaeological site, Denmark, June 2021. (This site was included in the study.) (Picture: Rune Iversen, University of Copenhagen)

Il y a quelques années, l’équipe du paléogénéticien Ludovic Orlando (CNRS) s’était intéressée au site de Botaï, en Asie centrale, qui a livré les plus anciennes traces archéologiques de chevaux domestiques. Mais l’ADN avait parlé : ces chevaux vieux de 5 500 ans n’étaient pas les ancêtres des chevaux domestiques modernes. Outre les steppes d’Asie Centrale, tous les autres foyers présumés de domestication s’étaient révélés de fausses pistes, comme l’Anatolie, la Sibérie, et la péninsule Ibérique.

Cette fois, l’équipe scientifique a donc entrepris de passer l’Eurasie toute entière au peigne fin : les génomes de 273 chevaux ayant vécu entre 50 000 et 200 ans avant notre ère. L'un des ossements de cheval examinés provient de la grotte de Goyet (près de Namur) et a environ 36 000 ans. Il est conservé dans la collection de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. L'ADN des 273 restes de chevaux a été séquencé dans deux centres de recherche français.

Le bouleversement du Caucase

Cette stratégie s’est révélée payante : si l’Eurasie était jadis peuplée par des populations de chevaux bien distinctes sur le plan génétique, la situation changea du tout au tout 2 000 à 2 200 ans avant notre ère. Un profil génétique auparavant cantonné aux steppes pontiques (nord du Caucase) commença alors à s’étendre au-delà de sa région d’origine avant de remplacer, en quelques siècles à peine, toutes les populations de chevaux sauvages de l’Atlantique à la Mongolie.

Plus docile et solide
 

Figurine de cheval magdalénien de Duruthy, France. Abbaye d'Arthous. Collections du département des Landes, mai 2021. (Photo : Ludovic Orlando)
Figurine de cheval magdalénien de Duruthy, France. Abbaye d'Arthous. Collections du département des Landes, mai 2021. (Photo : Ludovic Orlando)

 

Comment expliquer cet essor démographique fulgurant ? Les scientifiques ont trouvé deux différences marquantes entre le génome de ce cheval et ceux des populations qu’il a remplacées. Elles laissent penser que ces chevaux doivent leur succès à leur comportement plus docile et à une colonne vertébrale plus solide, deux caractéristiques commodes au moment où la demande pour des déplacements à cheval se « mondialisait ».

L’étude révèle aussi que ce cheval s’est répandu à travers l’Asie en même temps que les chariots, la roue à rayons et les langues indo-iraniennes. En revanche, les migrations vers l’Europe de populations indo-européennes des steppes, au cours du troisième millénaire avant notre ère4, n’ont pas pu s’appuyer sur l’usage du cheval sa domestication et sa diffusion étant postérieures. Voilà qui démontre tout l’intérêt d’intégrer l’histoire des animaux pour éclairer les migrations humaines et les rencontres entre cultures.

 

Texte basé sur le communiqué de presse du CNRS (Centre national de la recherche scientifique)

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