Dix recommandations stratégiques pour une exploitation durable du sable

26/04/2022

Le sable est vital pour la construction des fondations de notre société. Actuellement, environ 50 milliards de tonnes de cette matière première sont extraites chaque année dans le monde, et l'augmentation de la population mondiale ne fait qu'accroître la demande. Les incidences environnementales et sociales nous obligent à repenser nos relations avec le sable. Dans un nouveau rapport lancé aujourd'hui par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), des experts du monde entier formulent des recommandations pour passer à de meilleures pratiques d'extraction et de gestion du sable. Vera Van Lancker de l’IRSNB, et d’autres experts de Belgique, ont également été impliqués. Les nouveaux développements de la politique belge anticipent de manière proactive une demande croissante de sable marin.

 

50 milliards de tonnes, c'est la quantité de sable (et de gravier) que nous consommons chaque année en tant que population mondiale, ce qui en fait la deuxième ressource la plus utilisée au monde après l'eau. Assez pour construire un mur de 27 mètres de large et 27 mètres de haut autour de la planète Terre. Malgré l'importance stratégique du sable, son extraction, son utilisation et sa gestion ne font l'objet d'aucune réglementation dans de nombreuses régions du monde, ce qui entraîne de nombreuses conséquences environnementales et sociales qui sont largement négligées. Là où le sable joue un rôle actif dans l'écosystème, comme dans les rivières, les côtes et les mers peu profondes, l'extraction peut entraîner l'érosion, la salinisation des aquifères, la perte de protection contre les tempêtes et des impacts sur la biodiversité, qui à leur tour menacent notre approvisionnement en eau, la production alimentaire, la pêche ou l'industrie du tourisme, entre autres.

Une demande croissante

Le sable est indispensable pour construire les fondements de notre société : nos maisons, nos routes, nos ponts, nos hôpitaux, nos écoles, nos barrages, mais aussi, par exemple, les panneaux photovoltaïques pour produire de l'énergie renouvelable, ... ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses applications du sable que nous avons développées. Le sable peut à juste titre être considéré comme le héros méconnu de notre développement.

 

Nous nous sommes habitués à des réserves de sable facilement accessibles, ce qui fait que le sable est souvent utilisé plus vite qu'il ne peut être reconstitué par les processus géologiques naturels. Comme la population mondiale augmente rapidement et que la proportion de la population urbaine devrait atteindre plus de 68 % d'ici 2050, la demande de sable ne fera qu'augmenter.

10 recommandations pour éviter une crise

Il est donc grand temps de réévaluer notre rapport au sable et de le reconnaître comme une ressource stratégique. C'est ce qui ressort du nouveau rapport intitulé ‘Sand and Sustainability: 10 strategic recommendations to avert a crisis’ (Sable et durabilité : 10 recommandations stratégiques pour éviter une crise), lancé aujourd'hui par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Dans ce rapport, des experts du monde entier et de différents secteurs rassemblent des recommandations pour évoluer vers de meilleures pratiques d'extraction et de gestion du sable.

 

Les recommandations portent notamment sur la mise en place de cadres politiques et législatifs intégrés, la cartographie des ressources en sable, la promotion de l'efficacité des ressources et de la circularité, les achats responsables et la restauration des écosystèmes dégradés. L'objectif principal de ce rapport est d'encourager les décideurs à tous les niveaux de gouvernement à adopter des politiques et des normes pertinentes et à promouvoir les meilleures pratiques en fonction des dépendances locales au sable et des besoins de développement.

Les 10 recommandations

  1. Reconnaître le sable comme une ressource stratégique qui fournit des services écosysté-miques essentiels et constitue la base de la construction d'infrastructures vitales dans les villes en développement du monde entier.
  2. Consultation de toutes les parties prenantes (concernées et impactées) sur la prise de décision et la mise en œuvre de l'exploitation du sable.
  3. Permettre la transition vers une économie régénérative et circulaire.
  4. Mettre en œuvre des cadres politiques et législatifs stratégiques et intégrés, en accord avec les réalités locales, nationales et régionales.
  5. Les droits de propriété et l'accès réglementé aux ressources en sable par le biais de droits miniers et de permis contribuent à une exploitation durable du sable.
  6. Cartographier, surveiller et rendre compte des ressources en sable pour une prise de décision transparente, fondée sur la science et les données.
  7. Promouvoir l'élaboration de lignes directrices sur les meilleures pratiques et de normes nationales, ainsi que d'un cadre international cohérent.
  8. Réduire l'utilisation du sable et le remplacer par des alternatives et des produits de sable recyclé lorsque cela est possible.
  9. Achetez du sable de manière éthique, durable et socialement responsable.
  10. Restaurer les écosystèmes et compenser les pertes en augmentant la base de connaissances, en intégrant des mesures d'atténuation dans les opérations minières et en promouvant des solutions fondées sur la nature.
Modèle transnational des ressources de subsurface des sédiments quaternaires de la mer territoriale et de la zone économique exclusive de la Belgique et des Pays-Bas (au sud de Rotterdam). (Source : Van Lancker et al. 2019 p.32)

Gestion pro-active des ressources en sable marin en Belgique

Aussi en Belgique, la demande de sable, et en particulier de sable marin, est en constante augmentation. Le Service Plateau continental du Service Public Fédéral Economie gère les ressources en sable marin de la Belgique et le fait de manière proactive, en s'appuyant sur les meilleures connaissances et méthodes de surveillance disponibles. Sur la base des résultats de la recherche, une politique innovante est en vigueur, qui impose une limite inférieure à l'extraction en fonction de la réserve géologique, ainsi que des critères visant à minimiser l'impact sur l'environnement des fonds marins. Ce nouveau référentiel est en place depuis 2020, fait l'objet d'un suivi attentif et représente un véritable changement de paradigme en faveur d'une gestion durable de la ressource.

 

Une évaluation de l'exploitation du sable marin dans la partie belge de la mer du Nord permet de conclure que la gestion de notre stock de sable marin est déjà conforme aux recommandations 1, 4, 5, 6, 7 et 9 du nouveau rapport du PNUE. Les recommandations 2, 3 et 8, qui portent sur la transition vers une économie circulaire du sable, sont évidemment aussi très importantes à mettre en œuvre, et s'inscrivent dans un cadre de transition plus large qui, entre-temps, ne devrait pas nous empêcher de poursuivre l'exploitation actuelle du sable marin dans les limites environnementales et socio-économiques durables établies. Sur la base des résultats de la surveillance (bathygéomorphologie, sédiments et biote benthique) obtenus avant, pendant et après l'extraction de sable dans diverses zones d'extraction de sable belges, la recommandation 10 sur la restauration de l'écosystème n'est pas critique pour la partie belge de la mer du Nord.

Contribution belge au rapport du PNUE

Vera Van Lancker, de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique et professeur à l'université de Gand, était responsable de la recommandation sur la cartographie et l'utilisation du sable, la surveillance de l'environnement et l'établissement de rapports, en mettant l'accent sur la nécessité de systèmes d'aide à la décision (recommandation 6). Au niveau mondial, mais aussi régional, la qualité et la quantité de sable disponible ne sont guère connues. Cependant, la demande de sable n'a jamais été aussi forte et ne cesse d'augmenter, l'exploitation minière à grande échelle pouvant devenir la nouvelle norme. Cependant, la base de connaissances pour soutenir une telle extraction est minimale. La prise en compte conjointe des paramètres géologiques, environnementaux et socio-économiques est donc d'une importance capitale pour prendre des décisions éclairées. Avec l'augmentation de l'extraction, et la possible raréfaction, les dépendances entre l'homme et la nature, mais aussi entre les régions sablonneuses et les régions pauvres, sont mises à l'épreuve. Pour une compréhension plus systématique de ces dépendances et pour soutenir la prise de décision (transfrontalière), le besoin de données, de connaissances et d'informations, ainsi que de science prédictive, est plus grand que jamais.

Vera: « L'augmentation de l'utilisation du sable pose de grands défis, car les pratiques contemporaines et les impacts associés peuvent ne pas être appropriés. Une cartographie accélérée des ressources en sable est nécessaire, pour laquelle la coopération structurelle offre le plus de perspectives. Cela nécessite une plus grande normalisation de la classification des matières premières, qui tienne également compte de la dimension environnementale et socio-économique. La modélisation prédictive des scénarios d'extraction et des dépendances homme-nature devient de plus en plus importante. »

 

Aurora Torres, boursière postdoctorale Marie Skłodowska-Curie à l'Université Catholique de Louvain, a dirigé, avec d'autres experts, la recommandation sur la restauration des écosystèmes dégradés (recommandation 10). Le sable est fondamental pour maintenir la biodiversité et la variété des services écosystémiques qui répondent aux besoins de la société. Les décideurs politiques, l'industrie et les autres parties prenantes sont donc encouragés à prendre des mesures pour éviter et minimiser les risques pour la biodiversité et les services écosystémiques, restaurer les écosystèmes et compenser les pertes restantes. Toujours dans la perspective des objectifs des Nations Unies en matière de restauration des écosystèmes (2021-2030), des efforts supplémentaires sont nécessaires pour mieux documenter les impacts de l'exploitation minière sur la biodiversité et les services écosystémiques, pour améliorer l'efficacité des efforts d'atténuation et de restauration, et pour garantir l'utilisation d'une évaluation et d'un suivi fondés sur la science comme base de l'évaluation des impacts, de la planification de l'atténuation et de la compensation. Enfin, le sable contribue également à la restauration et à la protection des terres, des systèmes d'eau douce ou des zones côtières contre l'érosion ou les inondations. Les solutions basées sur la nature et les approches de ‘construction avec la nature’ sont fortement recommandées ici.

Aurora: « La transition vers une économie circulaire exige que nous soyons moins dépendants des systèmes naturels en tant que fournisseurs de matériaux. Lorsque l'extraction est jugée nécessaire, les ressources en sable doivent être obtenues d'une manière responsable qui empêche ou minimise les dommages causés aux écosystèmes et aux personnes. »

 

Astrid Smeets et ses collègues de Bureau Brussels ont contribué aux recommandations sur la manière d'inclure la durabilité dans la chaîne de l'origine du sable à l'utilisateur, et sur la manière d'obtenir un changement social plus large (recommandations 3 et 9). Cela va de la (ré)éducation des architectes à l'utilisation de matériaux alternatifs à une politique fiscale qui oriente les flux financiers vers des alternatives au sable ou vers une extraction et une utilisation plus durables. Afin de créer une politique stimulante, il est important que les gouvernements et les entreprises se réunissent pour partager et appliquer les meilleures pratiques. En s'attaquant à une politique du sable plus durable au niveau international, on peut tirer des enseignements des solutions locales qui existent déjà et qui, moyennant quelques ajustements mineurs, peuvent facilement être appliquées à l'autre bout du monde. Cette méthode est à la fois efficace en termes de temps et de coûts.

Astrid: « La transition vers une politique plus durable concernant les matières premières se fera également sentir ici en Belgique. Nous voyons l'Europe s'attaquer à la durabilité des chaînes à un rythme inédit avec, entre autres, la taxonomie européenne et l'extension de la responsabilité des chaînes. Les entreprises et les gouvernements devront rendre compte de l'impact de leurs activités sur l’homme et l'environnement. En outre, ils devront démontrer le caractère durable de leurs activités et de celles de leurs fournisseurs. Le sable sera sans doute aussi à l'ordre du jour dans un avenir proche. Grâce aux dix recommandations du rapport, les gouvernements, les institutions de la connaissance, le monde des affaires et les consommateurs peuvent se mettre au travail pour éviter une crise majeure. Plus tôt nous commencerons à chercher des solutions, mieux ce sera pour les personnes, la planète et notre économie.»

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