Les émissions de carbone noir provenant des navires mises en évidence
Les émissions de carbone noir provenant des navires dans le sud de la mer du Nord ont été mises en évidence à l'aide du capteur “renifleur” de l'avion de surveillance de la garde côtière belge. Les résultats préliminaires indiquent que ces émissions sont plus élevées qu'on ne le pensait auparavant et fournissent une base scientifique pour l'élaboration de réglementations internationales et de politiques de transport maritime durables.
Depuis 2015, l'avion de la garde côtière belge est équipé d'un « reniffleur » qui lui permet de mesurer la concentration de polluants dans les émissions des navires en mer. Initialement, le système a été intégré à l'avion afin de surveiller et d'étudier les émissions d'oxydes de soufre (SOx), mais au fil des ans, il a été étendu pour pouvoir détecter d'autres polluants. Ainsi, depuis 2020, les oxydes d'azote (NOx) sont également mesurés tout comme le carbone noir à partir de 2021.
En juin 2025, l'équipe de surveillance aérienne (SURV) a publié un article scientifique dans la revue Atmosphere décrivant les émissions de carbone noir provenant du trafic maritime dans le sud de la mer du Nord et la Manche, sur la base de 886 mesures effectuées entre 2021 et 2024. Il s'agit de la première étude scientifique de cette envergure qui rassemble et analyse des mesures réelles du carbone noir émis par les navires. Les mesures ont été réalisées dans les zones maritimes de la Belgique, des Pays-Bas, de la France et du Royaume-Uni.
C'est quoi, le « carbone noir » ?
Le carbone noir, souvent appelé « black carbon » en anglais, est une catégorie de particules fines contenant du carbone et mesurant moins de 2,5 micromètres (1 micromètre ou 1 µm, c'est un millième de millimètre). Il vient surtout de la combustion incomplète de combustibles contenant eux-mêmes du carbone, comme les combustibles fossiles (du genre diesel et charbon), mais aussi la biomasse (bois) et les biocarburants.
En tant que particule fine, le carbone noir a un impact sur la santé des gens qui y sont exposés. Même si l'impact exact du carbone noir sur le climat fait encore débat et qu'il n'est pas classé comme gaz à effet de serre, il est clair qu'il contribue de manière significative au changement climatique. C'est notamment dû à sa capacité à absorber le rayonnement solaire lorsqu'il se dépose sur la glace polaire, la rendant ainsi plus sombre.
Interprétation des résultats
Cette étude à long terme a abouti à un certain nombre de conclusions qui seront affinées à l'avenir grâce à des données supplémentaires. La conclusion principale est que les mesures atmosphériques des émissions de carbone noir par les navires en mer sont effectivement possibles et que le protocole d'observation associé permet d'obtenir des informations précieuses sur l'ampleur réelle de ces émissions. Jusqu'à présent, ces informations étaient dérivées de mesures effectuées dans des environnements contrôlés et simulés et non pas en mer, dans les conditions du monde réel.
Les données indiquent en outre que les émissions réelles de carbone noir des navires pourraient avoir été sous-estimées. Il apparaît par ailleurs que les carburants conformes à l'ECA (carburants à faible teneur en soufre autorisés dans la « zone de contrôle des émissions » dont fait partie la mer du Nord) contribuent à une réduction significative des émissions de carbone noir. En outre, il apparaît que la charge du moteur semble être un facteur déterminant pour les émissions de carbone noir.
La science au service d'une durabilité accrue
Les émissions de carbone noir provenant du transport maritime ne sont pas encore réglementées, bien que des discussions soient en cours depuis 2011 afin de trouver les meilleurs moyens de limiter ces émissions et leur impact. Ces discussions ont notamment lieu au sein de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), une agence spécialisée des Nations unies chargée d'élaborer des règles internationales relatives à la sécurité et à la sûreté du transport maritime, mais aussi à la prévention de la pollution marine et atmosphérique par les navires.
Pour mener ces discussions, l'OMI a bien sûr besoin de données scientifiques solides, et c'est là que la nouvelle étude menée au sein de l'Institut belge peut jouer un rôle important. La Belgique, représentée au sein de l'OMI par la Direction générale de la navigation (Service public fédéral Mobilité et Transports), a porté les recherches de l'Institut des Sciences naturelles à l'attention de la communauté maritime internationale ici le 21 novembre 2025. La Belgique souhaite ainsi sensibiliser davantage à la problématique du carbone noir et fournir des éléments concrets pour soutenir l'élaboration d'une réglementation efficace en matière d'émissions de carbone noir par le transport maritime.
La Belgique a par ailleurs été élue membre du Conseil de l'OMI à Londres le 26 novembre 2025, notamment grâce aux efforts continus de la DG Navigation. L'élection au Conseil, ensemble avec la formalisation et la transmission des connaissances scientifiques belges à l'OMI démontrent l'importance que notre pays accorde à la coopération scientifique et politique internationale, ainsi que son soutien à la transition vers un secteur maritime durable et moins polluant.
L'avion de surveillance de la garde côtière est la propriété de l'Institut des Sciences naturelles et ses pilotes sont issus de la Défense. Le service scientifique « Unité de gestion du modèle mathématique de la mer du Nord » (UGMM) de l'Institut est responsable de la mise en œuvre du programme national de surveillance aérienne au-dessus de la mer du Nord et fournit les opérateurs scientifiques de l'avion.