Nouveau dinosaure prédateur : Shri rapax chassait avec des mains plus puissantes que son cousin Velociraptor

11/08/2025
Le squelette fossile de Shri rapax en 2010, lorsque la tête originale était encore présente. (Photo : Thierry Hubin, Institut des Sciences naturelles)


Place au Shri rapax ! Ce nouveau dinosaure prédateur, datant du Crétacé supérieur en Mongolie, possédait des mains puissantes et une griffe exceptionnellement longue, lui permettant de s’attaquer à des proies plus grandes que les autres raptors vivant dans le même désert.

 


Cent ans après que le paléontologue américain Henry F. Osborn ait décrit l’iconique Velociraptor mongoliensis, une équipe internationale de paléontologues présente un « cousin » de ce petit prédateur emblématique. Et il provient de la même formation de Djadokhta en Mongolie, une couche géologique témoignant d’un désert de type Gobi parsemé de lacs, il y a environ 75 à 71 millions d’années (Crétacé supérieur).

Des mains plus puissantes, une griffe plus longue

Dans cet environnement vivaient plusieurs dromaeosauridés, des dinosaures prédateurs à plumes de petite à moyenne taille. Shri rapax mesurait environ deux mètres de la tête à la queue, tout comme le Velociraptor contemporain, mais s’en distingue sur plusieurs points. « Shri rapax avait un crâne plus massif et une mâchoire plus robuste, un cou plus long, des bras plus solides et un deuxième doigt inhabituellement robuste, portant une impressionnante griffe d’environ huit centimètres », explique le paléontologue Pascal Godefroit de l’Institut des Sciences naturelles, co-auteur de l’étude.

« Cela suggère que Shri rapax était spécialisé dans la chasse de proies plus grandes ou plus difficiles à capturer que ses proches parents. » Le menu exact reste incertain. « Nous pensons à Protoceratops, un dinosaure avec une grande collerette, et à de jeunes Pinacosaurus, des dinosaures caractérisés par une armure osseuse recouvrant leur corps. De nombreux fossiles de ces herbivores ont été retrouvés dans les mêmes couches géologiques. » Une célèbre découverte montre un Velociraptor et un Protoceratops morts en plein combat, surnommés les « Dinosaures combattants ». Pour Shri rapax, le petit et lent Protoceratops devait être une proie assez facile. Il est possible qu’ils chassaient en groupe, bien que cela reste à prouver..

 
Le squelette fossile en 2024, sans la tête, perdue en 2016. (Photo : Thierry Hubin, Institut des Sciences naturelles)

 

Diviser pour mieux coexister

Les bras et mains plus robustes de Shri rapax indiquent une autre technique d’attaque. « Grâce à ses bras puissants, il pouvait maintenir fermement sa proie, puis l’achever avec des morsures répétées. Velociraptor attaquait probablement d’abord avec les pattes arrière et une griffe en forme de faucille avant d’utiliser leurs dents. »

Les différences anatomiques entre Shri rapax et ses proches contemporains suggèrent une diversité écologique au sein des dromaeosauridés. « Ces espèces vivaient dans le même paysage mais avaient développé des spécialisations différentes. Elles occupaient donc des niches écologiques distinctes et pouvaient coexister harmonieusement. »


Il a probablement été enseveli par une dune effondrée. La posture, avec le cou et la queue relevés, est typique des vertébrés morts par suffocation ou noyade

 

Bien qu’aucune trace de plumes n’ait été retrouvée sur le squelette, Shri rapax était probablement couvert de plumes. « Les sédiments de Mongolie ne conservent pas les tissus mous comme les plumes. Mais dans des couches légèrement plus anciennes en Chine, on a trouvé de petits raptors entièrement recouverts de plumes, avec des sortes d’ailes sur les pattes avant et arrière. Et sur un Velociraptor de la formation de Djadokhta, des points d’attache typiques de plumes ont été observés sur les pattes avant. Nous sommes donc presque certains que Shri rapax avait des plumes et ressemblait à une grosse dinde. Les raptors de la famille des droméosauridés sont les plus proches parents des oiseaux actuels»

Le squelette fossile de Shri rapax est « articulé » : les os fossiles s’emboîtent parfaitement. La queue est particulièrement bien conservée, avec son enveloppe de tendons ossifiés et de prolongements articulaires qui lui donnaient de la rigidité et permettaient à l’animal de garder son équilibre. Godefroit : « L’exemplaire a été fossilisé dans la position dans laquelle il est mort. Il a probablement été enseveli par une dune effondrée. La posture, avec le cou et la queue relevés, est typique des vertébrés morts par suffocation ou noyade. De nombreux iguanodons de Bernissart ont été retrouvés dans une position similaire. »
 

Le moulage de la tête, réalisé à partir de scans CT effectués par l’Institut des Sciences naturelles en 2016. (Photo : Thierry Hubin, Institut des Sciences naturelles)

 

De l’illégalité à la reconnaissance officielle

Le squelette fossile de Shri rapax a une histoire mouvementée. Il a été fouillé illégalement, sorti clandestinement de Mongolie et vendu sur le marché noir. Les découvertes sur le territoire mongol appartiennent légalement à l’État. Après avoir été revendu par des propriétaires privés au Japon et en Europe, il a fini chez l’entreprise française de fossiles Eldonia. Eldonia a signalé l’exemplaire à l’Institut des Sciences naturelles, qui a fait scanner le crâne en 3D en 2016 pour une première étude. « Heureusement que nous l’avons fait, car le crâne a été perdu après son retour en France », déplore Godefroit. « Grâce aux scans, nous avons pu le décrire scientifiquement et en faire un moulage. »

 


Les paléontologues doivent donc rester vigilants et tenter de convaincre les propriétaires de céder les pièces intéressantes à la science et de les rendre accessibles au public



Après des négociations entre Eldonia, les paléontologues et le ministère de la Culture de Mongolie, le squelette fossile est désormais officiellement restitué à son pays d’origine. Il y a quelques années, Halszkaraptor escuilliei – le raptor nageur – issu de la même formation de Djadokhta, a suivi un parcours similaire : de découverte illégale sur le marché noir à restitution à la Mongolie grâce à l’intervention des paléontologues.

« C’est une triste réalité que des fouilles illégales aient lieu. Mais le marché noir et le circuit privé existent bel et bien, et des spécimens exceptionnels y circulent. Les paléontologues doivent donc rester vigilants et tenter de convaincre les propriétaires de céder les pièces intéressantes à la science et de les rendre accessibles au public. »

L’étude est publiée dans la revue scientifique Historical Biology.

 

Le paléontologue Pascal Godefroit avec Shri rapax, avant le retour du spécimen en Mongolie. (Photo : Reinout Verbeke, Institut des Sciences naturelles)

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